Hannah Finch
Cette semaine Madame Géraldine Mattioli Zeltner directrice de plaidoyer auprès de la division Justice internationale à Human Rights Watch a accordé un entretien à la Fédération des Jeunes pour la Cour Pénale Internationale. Madame Mattioli Zeltner a commencé à travailler à Human Rights Watch au même moment que Monsieur Luis Moreno D’Ocampo est devenu procureur de la Cour Pénale Internationale et donc est bien placée de nous parler de la relation entre Humann Right Watch et la Cour Pénale Internationale ainsi que le rôle de la France en tant que signataire du Statut de Rome.
Notre conversation a été centrée sur plusieurs questions, notamment :
v Le rôle de la France envers la CPI en tant que membre permanent du Conseil de Securite
v L’importance de la mise en place d’un pole spécialisé dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité en France.
Human Rights Watch et la Cour Pénale Internationale
Entre la Cour Pénale Internationale et Human Rights Watch il existe une relation unique de complémentarité. La société civile et notamment les organisations non gouvernementales ont beaucoup influencées le texte du Statut de Rome et continuent à exercer une influence importante sur la Cour et ses activités. Le rôle de Human Right Watch envers la CPI est double, d’un côté elle s’engage pour aider la Cour à amener la justice et améliorer ses services et elle encourage les pays n’ayant toujours pas ratifié le Statut à le faire et donc travaille sur la coopération entre les pays membres et la CPI pour éviter des situations de non collaboration.
En soutenant le travail de la Cour, Human Rights Watch fait du monitoring afin d’assurer l’efficacité et une bonne politique. Human Rights Watch et la communauté des organisations non gouvernementales jouent un rôle d’importance capitale en garantissant que la CPI est responsable de ses actions devant la société en donnant des recommandations ainsi que des critiques fait de façon publique. Dans cette manière Human Rights Watch joue le rôle de « Watch Dog » de la CPI.
La France, l’ONU et le Conseil de Sécurité
Le Conseil de Sécurité est fortement présent dans le Statut de Rome[1] et ajoute un élément politique aux questions judicaires. Madame Mattioli Zeltner a souligné le fait que le rôle du Conseil de Sécurité peut être dangereux vu son engagement politique. Elle a aussi mis en relief le fait qu’étant membre permanent du Conseil de Sécurité la France doit souvent gérer des situations épineuses et trouver une équilibre entre la politique et la loi.
La France joue un rôle important en promouvant la légitimité de la Cour au sein du Conseil de Sécurité et sert même en tant que porte parole de la Cour en essayant d’encourager la reconnaissance de la CPI en tant qu’instrument légitime. La situation récente concernant la Libye représente un « tampon de légitimité » de la Cour étant donné que le Conseil de Sécurité a eu recours à la CPI pour assurer que justice soit faite et donc marque une évolution positive dans la relation coopérative entre le Conseil de Sécurité et la Cour Pénale Internationale.
Le fait que la Chine, Les Etats Unis, la Russie et l’Inde ne soient pas signataires du Statut de Rome est bien sur grave. Ce sont des puissances internationales énormes et on doit se demander si, dans une certaine manière, ces pays se considèrent au delà de la loi. Le rôle d’un membre permanent du Conseil de sécurité et signataire du Statut de Rome et d’assurer que même si ces pays mentionnés si voient intouchable par la loi qu’ils sont tenus responsables de leurs actions. Encore une fois on peut réitérer l’importance d’une cohérence entre la politique et la loi malgré des conflits d’intérêts qu’ils peuvent avoir entre la CPI et le Conseil de Sécurité, malheureusement de nos jours, c’est souvent la politique qui gagne.
La situation actuelle doit être améliorée selon Madame Mattioli Zelter qui met en avance le fait que les membres permanentes du Conseil de Sécurité doivent être fidèles aux buts de la CPI et ne pas seulement de temps en temps quand cela les arrangent. Il y a bien du chemin à faire concernant le status quo où le Conseil de Sécurité ne renvoie que certaines affaires à la CPI d’après la relation des membres permanentes à la situation en question et pourvu qu’ils ne risquent pas d’être accueillis par un veto. On peut citer les situations concernant Gaza et les Etats Unis, Myanmar et la Chine, où le renvoi à la CPI n’a même pas été suggéré parce qu’on a estimé que les membres permanentes auraient utilisé leur droit de veto.
La France est un acteur d’importance capitale en assurant la légitimité de la Cour Pénale Internationale et en établissant un équilibre entre les intérêts politiques et la loi internationale. Pourtant on ne peut pas parler du rôle de la France envers la CPI sans citer son lien avec l’Article 124. La France pendant des années a été le seul pays avec Colombie à utiliser l’Article 124[2] qui introduit une exception en permettant à un État de refuser la compétence de la Cour pour les crimes de guerre pendant une période de sept ans. Introduit par la diplomatie française cet article avait pour objectif de favoriser une adhésion des « États nouvellement démocratiques » au Statut. Avant d’être rejointe par la Colombie, la France, a été pendant longtemps le seul pays à utiliser l’Article 124. Madame Mattéoli Zeltner a exprimé que la fait que la France a utilisé cet article était une signale très négative. Heureusement le gouvernement français s’est rendu compte en 2008 que ce n’était pas nécessaire d’adhérer à cet article et donc on doit se satisfaire que la France a changé d’avis. Ce qui pose encore un problème est le fait que cet article existe toujours, même si beaucoup considèrent qu’il est inutile. L’argumentaire pour garder l’Article 124 est que c’est nécessaire en tant qu’instrument pour attirer des Etats à ratifier le Statut de Rome et même si ce n’est pas actuellement utilisé par les Etats, au moins ils savent qu’ils peuvent l’employer s’ils veulent.
Il y a bien sur du chemin à faire pour que la CPI devienne un instrument judicaire 100% efficace. Madame Mattioli Zeltner cite la création d’un pole spécialisé en France comme moyen d’améliorer l’efficacité de la Cour.
La création d’un pole spécialisé en France
Selon Human Rights Watch « la création d'un pôle spécialisé dans les crimes graves internationaux en France répond à un certain nombre d'objectifs [3]». En premier lieu cela permettrait au système judiciaire français d'enquêter et poursuivre de façon plus efficace les violations graves des droits humains et « [enverrait] un signal politique fort, à savoir que la France est résolument déterminée à poursuivre les suspects de crimes internationaux présents sur son sol.»[4] Il existe actuellement des pôles spécialisés en Belgique, Danemark, Pays Bas, Allemagne, Norvège, Suède, Angleterre, Canada, Les Etats Unis et bientôt la France.
Madame Mattioli Zeltner a parlé de manière enthousiaste à l’idée que la France a vu beaucoup de progrès dans ce domaine et pourrait même avoir un pole spécialisé d’ici la fin 2011. Elle a dit que la création d’un pole spécialisé français pourrait améliorer l’efficacité de la CPI en accélérant les procédures et en fournissant une expertise supplémentaire. La CPI a des capacités et des expertises limitées et n’a pas des compétences, ni des moyens pour traiter les vielles affaires. C’est donc dans le cadre de la complémentarité de l’action de la CPI qu’un pole spécialisé en France sera créé.
La mobilisation de la France sur ce sujet sert en tant que symbole de sa fidélité en tant que signataire du Statut de Rome à la Cour Pénale Internationale et montre son désir et sa conviction à poursuivre la justice internationale.
Tous nos remerciements à Madame Mattioli Zeltner et à Human Rights Watch pour nous avoir accordé cet entretien.
[2] Article 124, Rome Statute: Notwithstanding article 12, paragraphs 1 and 2, a State, on becoming a party to this Statute, may declare that, for a period of seven years after the entry into force of this Statute for the State concerned, it does not accept the jurisdiction of the Court with respect to the category of crimes referred to in article 8 when a crime is alleged to have been committed by its nationals or on its territory. A declaration under this article may be withdrawn at any time.
[3] France: Recommandations sur l’établissement d’un pôle spécialisé dans les crimes graves internationaux
Mémorandum au Ministre de la Justice et aux Membres de la Commission des Lois :
http://www.hrw.org/fr/news/2011/03/16/france-recommandations-sur-l-tablissement-d-un-p-le-sp-cialis-dans-les-crimes-graves
[4] France: Recommandations sur l’établissement d’un pôle spécialisé dans les crimes graves internationaux
Mémorandum au Ministre de la Justice et aux Membres de la Commission des Lois :
http://www.hrw.org/fr/news/2011/03/16/france-recommandations-sur-l-tablissement-d-un-p-le-sp-cialis-dans-les-crimes-graves
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